Dans ces champs de lavande naissent les parfums les plus relaxants
À Brihuega, près de Guadalajara, se trouve la plus grande ferme d’Europe dédiée à la culture de cette plante aromatique. Nous voyageons dans ce paradis durable.
On dit que la lavande utilisée en haute parfumerie vient toujours de la Provence française, mais on dit aussi que les enfants viennent de Paris, il ne faut donc pas croire tout ce qu’on entend. L’Académie espagnole de la parfumerie affirme depuis des années que de la lavande de haute qualité est également produite ici, dans notre pays, J’ai donc décidé de le vérifier par moi-même. Par une chaude journée de juillet, je voyage à Brihuega, une ville d’un peu plus de trois mille habitants située dans la région d’Alcarria, près de Guadalajara, qui a trouvé dans la lavande une puissante ressource économique ainsi qu’une efficace attraction touristique.
Les abeilles bourdonnent autour de moi tandis que je regarde, presque avec tristesse, comment une machine à récolter fauche les fleurs de cette couleur violette si caractéristique, ne laissant intactes que les tiges vertes. « Il serait impossible de faire ce travail manuellement », réfléchit Emilio Valeros. Il est l’une des personnes les plus accréditées pour parler de la lavande, car en tant que parfumeur, il a utilisé cet ingrédient à de nombreuses reprises, par exemple, lorsqu’il formula le parfum à succès « Solo », pour Loewe, dont il fut le nez officiel pendant trois décennies. Mais Valeros se distingue également comme l’un des moteurs de la production de lavande à Brihuega. Ce n’est pas en vain que l’Académie du Parfum lui a valu son Fauteuil Lavande (tout comme les universitaires de l’Académie Royale Espagnole occupent des fauteuils correspondant à des lettres, dans cette institution chaque universitaire se voit attribuer un ingrédient olfactif).
Le parfumeur explique que cette zone présente les caractéristiques idéales pour la culture de la lavande. « Ces terrains sont semblables à ceux de la Provence française, avec un climat similaire et une altitude supérieure à mille mètres », fait remarquer. « Ce sont des terres très calcaires, avec beaucoup de drainage. » Traditionnellement, à Brihuega, on cultivait des céréales, mais il y a une trentaine d’années, on a commencé à étudier les possibilités de la lavande et, depuis lors, la graine a progressivement cédé la place à cette plante si convoitée en parfumerie.
La lavande est très importante dans son métier, explique Valeros, car « elle a une odeur particulière, très agréable, fraîche, aérienne, florale, légèrement épicée et aussi fruitée ». C’est l’un des composants essentiels de les parfums qui appartiennent à la famille fougère, qui sont ceux qui imitent les arômes que l’on perçoit en se promenant dans la campagne. Le terme « lavande » vient du latin « lavare », qui signifie « laver », et on dit que dans l’Antiquité, cette plante était ajoutée à l’eau du bain pour favoriser le sommeil. Actuellement, cet ingrédient est également présent dans les parfums les plus relaxants, dont des brumes conçues pour se vaporiser sur votre oreiller.
Le fait est que les progrès de cette usine ont été tels qu’aujourd’hui cette zone d’Alcarria rassemble plus de 6 000 hectares dédiés à la culture de la lavande et du lavandin (Cette dernière variante est un hybride de lavande et de lavande, moins chère). « La lavande peut produire environ 30 kilos d’essence par hectare, tandis que le lavandin peut atteindre 120 ou 150 kilos par hectare », explique Valeros. Le lavandin est donc de moindre qualité et est utilisé pour fabriquer des produits de second ordre, comme des désodorisants ou des shampoings. L’endroit exact où nous nous trouvons est la plus grande ferme d’Europe dédiée à la culture de la lavande et du lavandin : 450 hectares qui regroupent quatre millions et demi de plantes sur un seul terrain.
Le long de ces rangées de violettes photogéniques, certains membres du jury culturel des récompenses décernées chaque année par l’Académie de la Parfumerie, comme l’écrivain Espido Freire, qui relie immédiatement la lavande aux romans de son admirée Jane Austen. Il ne voulait pas non plus manquer la collection le couturier Lorenzo Caprile, qui dit que, même si en Espagne on associe la couleur violette à la Semaine Sainte, cette teinte est pour lui une source d’inspiration qui va bien au-delà des processions.
Après avoir traversé les champs, notre hôte nous emmène à la distillerie Intercova, dont Valeros lui-même est partenaire. A l’intérieur il fait chaud et il y a une odeur intense qui, paradoxalement, est assez désagréable. Les machines distillent à la vapeur l’essence de lavande. Le processus est durable ; L’énergie solaire est utilisée et les déchets sont valorisés au maximum. L’eau utilisée vient d’ici, de Brihuega ; Il faut environ 25 litres pour chaque kilo d’essence.
Et de la distillerie, nous nous dirigeons vers la ville, dont les rues ont été parées de violet pour célébrer le Fête de la lavande de Brihuega. La chaleur devient de plus en plus chaude, alors je reçois avec plaisir le soda à la lavande que me tend l’un des responsables du café La Celestina. Le maire, Luis Viejo, et la conseillère au tourisme, Susana Rodríguez, passent par là et disent que, dans quelques années, la ville ouvrira son musée du parfum dans un bâtiment historique du XVIIe siècle.
Qui a besoin d’aller en Provence française, si nous avons déjà notre Provence espagnole…